lundi 26 mars 2012

Traversée frontiere Panama-Colombie : le jour où j'ai fait naufrage sur une île déserte en direction de Capurgana 2/6

Je reste pensif quant à l’étrange inondation de ma chambre d’hôtel durant la nuit. Le propriétaire et moi-même sommes restés dubitatif de longues minutes. L’eau ne semblait avoir aucune provenance logique. Avec cette affaire super naturelle, la question du signal revient sans cesse sur la table. J’ai l’impression de voir des avertissements à répétition : dois-je réellement continuer mon voyage vers l’Amérique Central ?


Vers 6 heures je me rends au port pour acheter mon billet vers Capurgana. Le propriétaire de l’hôtel m’a conseillé d’être parmi les premiers pour obtenir une place à l’arrière du bateau afin de sentir moins les secousses et d’être moins mouillé. J’ai obtenu le siège numéro 14 à la troisième ligne. Je rentre à l’hôtel afin de préparer mes affaires. Après un dernier café, je retourne au port de Turbo afin d’embarquer. Je découvre le bateau qui n’est autre qu’une barque rapide à deux moteurs.  Dans le bordel et le brouhaha le plus total, 40 passagers montent à bord avec des dizaines de kilos de bagages. Déjà, des personnes se montrent inquiètes face à la surcharge du bateau.



Qu’importe, la raison économique est plus forte que la sécurité. Nous nous mettons doucement en route et arrivons à un poste de control militaire. Après vérification de l’identité de chacun, nous reprenons le cours du voyage. A l’étonnement général, nous nous arrêtons trois kilomètres plus loin, près d’une barge. 5 nouveaux individus prennent place dans le bateau. Etrange…


Nous prenons enfin le large. Dès les premières minutes, le voyage est un supplice. Le vent est violent et la marée agitée. De nombreux colombiens répètent que « la mer est en colère ». Certains ferment même les yeux et semblent prier. Nos vertèbres sont mises à rude épreuve à chaque vague. Nous sommes aspergés par des litres d’eau à chaque saut du véhicule. Trop, selon certaines conversations. Il est vrai, que le niveau de l’eau monte d’une façon préoccupante dans le véhicule. Un mouvement de panique commence à prendre forme. Les passagers implorent  le capitaine de faire demi-tour. Celui-ci reste sourd et concentré.

Il y a déjà des personnes qui crient. Beaucoup disent que si nous continuons nous allons mourir. Une femme âgée est au bord de l’attaque cardiaque. Elle décide d’appeler d’urgence les militaires. Au bout du fil, elle pleure à chaude larme et supplie la force armée de venir nous aider. Soudain, le bateau s’arrête. Le capitaine parait débordé par les évènements. L’eau continue à progresser. L’affolement et la résignation gagne l’ensemble des personnes. Beaucoup croit que nous sommes perdus.

Tout à coup, l’un des équipiers pointe du bout du doigt l’horizon. Nous apercevons une plage. Ni une, ni deux, le capitaine allume les moteurs et les pousse à puissance maximum. L’une des hélices s’enrayent, tandis que l’eau nous arrive à hauteur des genoux. Heureusement, les vagues nous permettent d’aborder violemment sur le sable. Rapidement, tout le monde saute du véhicule comme s’il allait exploser.


Nous sommes désormais sur une île déserte. Je n’arrive pas à croire ce qu’il est en train de passer. J’ai l’impression de faire partie d’une mauvaise série B. Pendant près d’une heure, nous sommes seuls, livrés à notre sort de naufragés. Le capitaine tente de convaincre les personnes de remonter au bord du bateau pour continuer la route. Mais personne n’est assez fou pour risquer de nouveau sa vie.


Alors que les plus paniqués d’entre nous, pensaient déjà à mourir de faim et de soif sur la rive déserte, le bruit d’un moteur se fait entendre. La marine nationale vient à notre secours ! Le sergent prend à parti le capitaine pour connaître le fin mot de l’histoire, tandis que les soldats filment notre visage. En nous contrôlant, ils mettent de côté les cinq individus arrivés après le contrôle militaire à la sortie de Turbo. Ils ne semblent pas parler espagnol…

Malgré l’envoi d’un nouveau bateau par l’agence, le sergent ne donne pas le permis de reprendre le large. Après de longues heures de discussion, la marine décide de nous rapatrier à leur base militaire. Là encore, nous attends un long moment d’attente avant de nous acheminer enfin à Turbo sous le regard étonné des habitants.

J’apprendrais au cours de ma nouvelle nuit forcée à Turbo, que les cinq étranges individus proviennent d’Inde. Ils ont parcouru la moitié de la planète de manière illégale dans l’espoir d’une vie meilleur au Panama. Si nous avons failli perdre nos plumes dans ce voyage, eux y ont perdu leur liberté aux portes de leur Eldorado. Ils finiront leurs prochaines années des les prisons sordides d’Equateur…

Accoudé au balcon de l’hôtel, une question me tourmente également. L’inondation de la chambre la veille : pure coïncidence ou véritable présage d’une tragédie en mer ?

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